Bonheurs de Goya   17 octobre 2010

J’en ai eu un peu assez de cette Bouche d’ombre, de cette bouffée d’inconnu où la mort cou coupé monte de la ténèbre.

Il faut imaginer Goya heureux.

J’ai trouvé ces détails chez le Littérateur. J’ai rencontré celui-ci autrefois, à l’étage de La Bible.

Toulouse était une fête ; de belles jeunes femmes oisives hantaient la place Saint-Sernin.

Goya dut être heureux près de la duchesse d’Albe, à Sanlùcar en Andalousie, en 1795. Ils voyagèrent ensemble.

Il fut heureux aussi chez l’Infant Don Luis, fils de Philippe V. Don Luis était passionné de chasse et d’histoire naturelle. Il protégea le peintre Peret y Alcâzar. Ce prince fut protecteur quelque temps de Goya. Il chassait et herborisait dans son domaine d’Arenas de San Pedro, près d’Avila. Goya écrit alors : « Je suis resté un mois continuellement avec Leurs Seigneuries… J’ai été deux fois à la chasse avec Son Altesse qui tire très bien… Ces princes sont des anges. » On imagine Goya dans ces solitudes. Voyage en calèche, les plateaux infinis, l’armoise, les repas à l’ombre de quelques peupliers, près de la fraîcheur d’un réservoir, cependant que le ciel se barre d’une écharpe d’or et de la frange gris colombe d’un nuage égaré.

La fille de Don Luis et de Marie-Thérèse de Vallabriga, qui avait même prénom que sa mère, fut titrée duchesse de Chinchôn.

Je me souviens d’une robe de libellule, de couleur rose mauve, et du visage petit – un peu arrogant (?), désemparé (?) et peint avec tendresse – tel qu’il apparaît dans un portrait en pied de la duchesse, vu en 1999 à Vienne, au Musée historique. Goya était sensible à la beauté de la jeune femme. Ne peut-on supposer qu’il fut le rival de Godoy ?

On donna pour épouse, à celui-ci (« on », c’est, comme d’habitude, Marie-Louise) la malheureuse duchesse de Chinchôn.

Une gravure faite par Goya (gravure non publiée dans la série des Caprices) est une fable de la duplicité, de la trahison, de l’inconstance. Le visage double de la duchesse (d’Albe, cette fois) se tend tantôt vers le peintre, tantôt vers un grand château qui ferme le lointain. Goya a écrit au dos de la gravure : Sueho de la mentira y la inconstancia. Au premier plan figurent un serpent, un crapaud, un colporteur chargé de la double besace

François Magne

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